Lorialé ou le Prince d'Ether
Petit Conte Moderne
Les chapitres sont les suivants:
Chapitre 1 - Lune, Ether et Terre…
Chapitre 2 – « Terre des T’airs »
Chapitre 3 - Lune et Lorialé
Chapitre 4 – Terre
Chapitre 5 – Mercure
Chapitre 6 – Vénus
Chapitre 7 – Saturne
Chapitre 8 – Soleil
J'ai créé et ajouté les 2 annexes suivantes:
Annexe A: Notes d'origine
Annexe B: La légende des Lorialets

Chapitre 1 - Lune, Ether et Terre...
Il était une fois, il y a très, très, très mais alors très, très, très longtemps, alors que la nuit était pleinement noire, que les étoiles n’existaient même pas, bien avant les dinosaures, les pyramides, Jésus et les sept nains, alors que le soleil n’était encore qu’une pauvre petite boulette de charbon noir flottant dans le silence ouateux des confins les plus obscurs ; en ce temps-là, donc, dans un petit coin reculé de l’espace, nichés entre quelques trous noirs, trois humbles petits astres [1] cohabitaient bien sagement dans une harmonie fraternelle des plus délicieuses…
Il y avait Lune, Ether et Terre, trois jolies rondeurs ; l’une aux reflets nacrés, l’autre constituée de verre et d’encre et la dernière de terre et d’air ; l’une creuse, les deux autres pleines… Les trois planètes vivaient donc à leur rythme, ensemble, tranquillement… Lune veillait sur Ether et Terre tandis que les deux dernières, elles, veillaient au bon développement des petits Ethériens et Terriens qu’elles avaient hébergés généreusement et vus grandir…
Ether était un astre parfaitement rond aux transparences cristallines. Son cœur était d’eau pure et ses habitants de menues créatures toutes biscornues, complètement dégingandées, soufflées en verre et constituées uniquement de sang d’encre. Par conséquent, le seul mouvement de leurs petits corps noirs et luisants sur la surface d’Ether donnait l’impression à ceux d’en bas qu’Ether scintillait jour et nuit, naturellement.
… La Lune était la première à s’en réjouir, car sa silhouette creuse et malingre, flirtant ainsi avec les rayons d’Ether comme dans une tendre valse électrique, se flattait sous cette lumière gracieuse de ressembler davantage à une goutte d’argent qu’à un bris de verre fortuit ou à un croissant en apnée…
Notes
[1]
Trois est un mot-clé.
Chapitre 2 – « Terre des T’airs »
…. Mais un jour, cette joyeuse harmonie qui semblait pourtant infaillible et immuable prit fin. Tout d’un coup. Brutalement. Comme ça, sans prévenir… Un évènement incroyable, proprement inexplicable, absolument improbable se produisit en effet sous le regard terrorisé de la Lune témoin. Ether se mit subitement à enfler, à enfler et à enfler encore et encore, devenant de plus en plus grosse et menaçant même les contours de la Lune perchée, les Ethériens se mirent alors à courir à droite et à gauche, comme poursuivis par un essaim d’abeilles, complètement affolés, et se cognant les uns aux autres, on aurait dit des auto-tamponneuses… et lorsqu’ Ether effleura enfin la pauvre lune toute minuscule, il eût lieu comme un court-circuit, Ether fut électrocutée et elle explosa en mille morceaux… un gigantesque feu d’artifice gagna les noirceurs de l’univers…
Des millions de bris de cristal se dispersèrent alors dans le ciel, des sons extraordinaires, des lumières inquiétantes fusaient çà et là, des flashs, des éclairs, quelque chose d’effroyablement éblouissant se propagea dans le ciel, tous les Ethériens furent ensuite propulsés dans tous les sens, et se heurtèrent les uns aux autres, explosant à leur tour, se brisant, éclatant au simple contact de leurs voisins, une cacophonie des plus horribles… Et puis, le sang d’encre des petits êtres de verre se répandit enfin dans le ciel pour se confondre à l’eau déversée par le cœur fêlé d’Ether… Une immense masse liquide et noire alors emplit le ciel tout entier….
Quelques jours plus tard….La disparition d’Ether fit place à un ciel constellé de bris de verre et de cristal, baignant dans une noirceur lisse et visqueuse en gravitation… (… Aujourd’hui, des gens qui se veulent de grands scientifiques parlent à tout va d’étoiles, de nébuleuses, de naines, de supernova et compagnie, de comètes, d’astéroïdes et de météorites aussi, et ils prétendent pouvoir vous expliquer par A + B, la raison des brillances claires et ternes de certaines et d’autres, mais ça, ce sont des nostalgiques qui s’étoilent la face…)
Moi, je connais la vérité. J’ai tout vu. Avec mon œil de pigeon [2]. Mon œil de pigeon, tout rond. L’œil du pigeon torve qui se dandine, l’air de rien, dans le coin, au pied d’un banc, faisant mine de picorer bêtement les miettes délaissées d’un passant oublieux… Je vais vous dire ce qu’il en est réellement : Les étoiles brillantes, ce sont en fait les bris de cristal d’Ether et les moins brillantes correspondent tout simplement aux cendres de verres des cadavres désagrégés en suspens…
… Ether avait donc disparu, laissant comme legs ses propres ruines translucides… L’ensemble de celles-ci furent alors rebaptisées « Terres des T’airs » et la galaxie en demeura toute étoilée…
… Bref, face à ce triste désastre, la Lune désœuvrée, s’empressa de sauver ce qu’elle put du naufrage alentour. Elle pêcha donc la dernière bulle d’air d’un éthérien agonisant, qu’elle enferma soigneusement sous une cloche dorée et qu’elle fit fondre en son sein. Puis, elle arracha la plume de l’un des oiseaux sacrés d’Ether, ainsi qu’un morceau de cristal de l’astre défunt, une goutte de son sang d’eau pure et une goutte du sang noir d’un éthérien.
… Ah, la Lune… on la savait alchimiste à ses heures perdues, mais personne n’avait idée de ce à quoi ces archives allaient bien pouvoir servir… la Lune nous mijotait un drôle de plan, c’était évident !…Pourtant, une fois ces bribes cachées à l’abri d’un lieu sûr, elle ne quitta plus son fief comme couvant quelque chose d’ultra confidentiel et pendant des années, la Lune resta muette, perchée là-haut, figée et inerte, les yeux fermés baignant dans le sang d’encre des Ethériens, avec en son sein, secrètement conservé, l’ensemble du butin céleste… comme si de rien n’était…
Jusqu’au jour où…
Notes
[2]
Oriane nous glisse dans sa poésie une petite référence à Dîner de Cons, un film que nous avons regardé moultes fois, nous gaussant et gloussant (comme le pigeon d’ailleurs) à chaque fois.
Chapitre 3 – Lune et Lorialé
… La Lune soudain disparût. La nuit n’était alors plus qu’un vaste espace noir, les cheveux blancs et le corps nacré de l’astre caché n’éclairant plus les reflets cristallins des ruines étheriennes… Certains ont d’abord cru alors qu’elle s’était enveloppée dans un linceul de deuil noir, d’autres ont parlé avec orgueil et pseudoscience d’un processus qu’ils nommèrent dans une langue pompeuse et bien ampoulée « éclipse »… Oh oui, hein, pourquoi pas ? En effet, la lune avait fait ses malles, elle avait pris ses cliques et ses claques et elle s’était éclipsée, désertant la voie lactée… Pendant 1000 nuits et 1001 jours, on ne la vit plus. Le monde avait sombré dans l’obscurité la plus absolue. On aurait dit que c’était la fin du monde. Le silence régnait en maître. Majestueusement. Froidement. L’univers et la vie étaient sur pause. Une immensité sauvage et muette. Ni plus. Ni moins. Et le silence, toujours le silence… Abyssal…
Puis un jour, comme ça, sans raison apparente, la lune réapparût… Et dans un tout autre habit, M’sieurs, dames ! … La lune avait changé. Radicalement changé, je veux dire. Pas juste un peu, hein ? Oh non ! Elle était … Comment dire… Ronde. Oui, oui, bien ronde, parfaitement ronde. Une rondeur nacrée et veloutée, tout ce qu’il y a de plus rond. Ronde. Ronde et chauve même. Lisse. Epilée. Rasée. Tondue et ronde. Rondue, trondue, la lune. La lune s’était défaite de sa toison de plumes et d’ouate argentée, et elle se pâmait là-haut, opulente, dans le ciel, ventrue et les joues gonflées, la peau des fesses bien tendue.
En effet, la solitude lui pesait depuis longtemps et le sang noir des Ethériens avait assombri ses humeurs, tant et si bien qu’elle n’avait plus qu’une seule hâte : Remédier à cette solitude, à ce manque effroyable, à ce vide vertigineux dans lequel Ether l’avait plongée en disparaissant... et la lune s’était mise alors à rêver de la chose la plus folle pour un astre. Un projet démesuré, bien inconcevable pour nous, un projet complètement fou qui germait à l’insu de tous… Secrètement, la lune s’était mise à rêver d’enfants. Oui, oui, vous avez bien entendu, d’enfants [3] ! Elle réapparut donc ronde, ronde et pleine comme un œuf. La lune était enceinte. Enceinte d’un être unique, enfant d’un mariage improbable entre la mort et la vie, entre la vie et la mort, comme vous voulez, hein, l’ordre importe peu, c’était un enfant né du sang d’Ether et de l’amour de lune… L’enfant sacré, futur prince des « Terres des T’airs », allait venir au monde, et sa simple présence allait suffire à le réenchanter, à le rallumer et à l’extraire de son insalubre torpeur noire….
Et c’est ainsi, donc, que Lorialé [4], prince des « Terres des T’airs » quitta le sein de sa mère la lune, on ne sait par quel processus magique, (ne soyez pas si curieux, je vous prie, la nuit était profondément noire qu’on ne put apercevoir grand-chose même sous les meilleurs angles…), et Lorialé naquit donc sous les meilleures hospices…
… Lorialé était une petite créature de cristal, la chevelure ébouriffée, étoffée des plumes argentées les plus fournies qu’on puisse imaginer, deux grands yeux d’encre noire, le visage parfaitement rond et l’ensemble de son petit corps frêle était constitué de bulles de verre en mouvance permanente… Lorialé n’était pas comme nous, d’ailleurs, il ne respirait pas de l’air comme les humains d’aujourd’hui (qui ne sont plus les terriens d’hier !)… Non, Lorialé respirait du sang d’encre. Celui-ci était essentiel du reste, au bon rouage de ses membres et de ses bulles de verre qui nécessitaient d’être en permanence irriguées afin d’assurer leur rotation continue, gage de bonne santé. Le sang noir que Lorialé aspirait, irriguait donc ses « cellules », puis se déversait ensuite naturellement à travers les pores de sa peau cristalline, tant et si bien qu’on eût dit qu’il était continuellement imbibé d’une rosée nacrée…
La lune, afin de rendre visible le petit être de transparence perlée, lui avait tricoté un bel habit de soie blanche à partir de la chevelure d’ange dont elle s’était défaite un beau jour… Quant au cœur de Lorialé, il avait été moulé dans l’or du sein de la lune, et en son centre ondulait une jolie plume d’or, la plume de l’oiseau sacré dans la dernière eau pure d’Ether, cette goutte ultime que la lune avait sauvée avant qu’elle ne se mélange au sang d’encre des Ethériens.
Lorialé grandit sous le regard bienveillant de la lune, nageant librement d’un éclat de cristal à un autre, explorant les contrées et les bas-fonds du monde disparu dont il portait les gènes, à son insu, malgré lui… Le petit héritier d’un monde parfait musait donc tranquillement çà et là dans l’immensité scintillante avec l’agilité d’un petit ide et l’insouciance curieuse d’un enfant… Il allait d’île en île, se heurtant parfois aux ruines de ses ancêtres, confondant, leurré par la lumière ondoyante, les « Terres des T’airs » avec les cendres de verres flottants …
Il ponctuait ses pérégrinations de jolis chants et de petites mélodies douces et exquises, enivrant les libellules et les petits papillons des airs qui l’escortaient non sans crainte dans ses errances intrépides… Et son souffle humide suffisait à faire frémir les bouts de verre en suspens, à les mettre en mouvance, orchestrant ainsi une divine symphonie céleste… Un vrai petit musicien !
D’ailleurs, si l’on tend l’oreille, on peut l’entendre au loin, et on pourrait même croire que ce sont les voix des anciens qui susurrent encore quelques chants sacrés…
Notes
[3]
Étrangement, je doute qu’Oriane rêvait d’enfants pour combler sa solitude, son vide. Pourtant, elle voulait des enfants, mais une fois le vide comble, pas avant.
[4]
Oriane pour son conte a nommé cet enfant hybride, mystique, cette chimère, Lorialé, pour rester proche de la légende qui met en scène les Lorialets.
Chapitre 4 – Terre
Lorialé était une créature habitée par la musique, le son, les arpèges et les silences… En fait, c’était son moyen de communication. Sur les « Terres des T’airs », il n’y avait pas de mots, ni de lettres, ni de syllabes, ni de consonnes ou de voyelles ou d’alphabet, il n’y avait que des sons, des octaves, des notes, des variations, des tempos, des rythmes… (bref, pas de communication verbale…) Les plus évolués se distinguaient des autres par leur capacité à s’exprimer en symphonie, les autres préféraient la sonate ou encore la fugue… Mais un simple leitmotiv sinon suffisait à exprimer leur lassitude et leur épuisement après une journée de dur labeur… Quelle que soit la forme, en tous les cas, l’ensemble demeurait harmonieux pour la simple et bonne raison que les petites créatures étaient toutes dotées de l’oreille absolue…
Lorialé était un petit être à la tête bien ronde et bien faite, une jolie petite frimousse angélique et des yeux noirs donc qui brillaient comme ceux des chats. C’était un petit prince haut comme trois pommes, vif, éveillé et surtout très curieux. Une curiosité démesurée… Une curiosité qui le poussait dans ses retranchements… Or, depuis quelques temps, celle-ci le tiraillait, envahissant avec ardeur et malice les derniers âtres de son petit cœur doré… avec un objet bien précis : « Les pictogrammes des Terriens »… (qui ne sont pas les Terriens d’aujourd’hui, je vous le rappelle)…
En effet, depuis les eaux noires d’Ether, Lorialé, adossé à la lune, balançant l’une de ses jambes dans l’encre noire, la tête penchée vers le bas, il s’amusait à rêvasser et regardait de temps à autre les mouvements de couleurs à la surface de Terre, s’interrogeant de plus en plus souvent sur les mœurs suspectes de ces civilisations voisines.
Du reste, il s’était laissé plusieurs fois surprendre par un étrange phénomène : quelques dessins nuageux émanant de la bouche des Terriens, des espèces de pictogrammes sibyllins qui se dissipaient et disparaissaient complètement dans les eaux troubles et pélagiennes de l’univers… des pictogrammes, des cryptes magiques enfermés dans des bulles d’air explosant au beau milieu des marées noires….
Alors, Lorialé alla voir la Lune, avec toutes ses questions en vrac et interrogea celle qui connaissait le monde mieux que personne, celle que d’aucun appelaient aussi « l’œil de l’univers»… Mais l’œil, bien ennuyé, ne pût lui répondre de façon satisfaisante, et cela même s’il possédait toutes les réponses ! En effet, s’il suffisait à Lorialé de pointer les pictogrammes, de mimer l’explosion des bulles d’air et de prendre un air interrogateur (qui lui seyait d’ailleurs fort bien) pour formuler sa demande, la Lune eut pu bien pointer ce qu’elle voulût, cela ne pût suffire à expliquer ne serait-ce qu’une once de ce vaste mystère linguistique… Frustré, le petit gnome fit mine d’avoir compris, et puis, hochant bien sagement la tête, il promit de ne pas chercher à en savoir davantage en se rendant sur la planète interdite…
Mais… Dans sa tête, les idées fusaient et fuyaient, un feu d’artifice et pis tout un tas de plans qui s’échafaudaient à toute allure, sans cesse, ohlala la machinerie infernale était en route, les rouages fonctionnaient à plein pot, les mécanismes bien huilés, la production d’inventions les plus farfelues, les plus rocambolesques allait bon train…
La lune s’étonna de prime abord de voir son petit protégé onduler et déambuler, avec la grâce d’une libellule, disparaître et réapparaître de l’aube au crépuscule, aussi furtivement et toujours avec cet air drôlement malicieux qu’elle ne lui connaissait pas encore… Mais sans s’en inquiéter davantage, elle se réjouissait de le savoir aussi joyeux et s’amusait des probables (ou improbables, d’ailleurs) facéties qu’il concoctait dans son petit monde imaginaire…
Pendant des jours et des jours, Lorialé fut occupé à mettre son plan en place, élaborant toute une stratégie pour rejoindre la planète d’en bas, il ne s’arrêtait plus. Avec sa grosse tête ronde et son petit corps agile et lumineux, on eut pu le comparer dans l’ardeur de ses déplacements célestes à une petite comète qui avait perdu la tête, ou du moins le sens de l’orientation… Il avait revêtu une combinaison blanche qu’il avait tissée en se servant allègrement et sans vergogne dans les nuages qui lui étaient passé sous le nez. Les nuages ? C’était ces espèces de cotons vaporeux que les Terriens (qui ne sont pas les Terriens d’aujourd’hui, rappelons-le), formaient en respirant, les bulles d’airs émanant de leur souffle coagulaient au contact du sang d’éther, comme attirés par un processus magnétique étrange et formaient des cumulus blanchâtres qui flottaient puis se dissipaient dans les mers des « Terres des T’airs »… Lorialé avait donc pêché quelques bulles d’airs qu’il avait ensuite étreintes dans un filet de coton tricoté sur mesure. La collecte puis la confection de l’habit avait demandé beaucoup de patience à notre petit être qui néanmoins regorgeait d’imagination et d’assiduité, tant il était curieux de comprendre le fameux langage pictographique des Terriens…
Il n’en dormait plus, il y passait tous ses jours et toutes ses nuits, mais sans se plaindre et toujours en chantonnant gaîment, affublé du reste de la joyeuse compagnie des fidèles créatures ailées qui le suivaient à la trace… L’étape finale de la confection consista à fabriquer une capuche de verre étanche ou plus précisément une bulle de sang d’éther, pour pouvoir respirer sur Terre… Le contenu devait selon ses calculs amplement suffire à son séjour étant donné, rappelons-le, que Lorialé pouvait recycler le sang de ses cellules par le biais de ses pores, de façon absolument naturelle…
Notes
[5]
C’est fou, 15 ans après son “God Damn Life”, Oriane nous exprime encore sa soif de connaissance et de découverte.
[6]
Notez qu’Oriane a pris un cours de langue des signes pendant son cursus universitaire.
[7]
Et revoilà notre colombe des premiers écrits d’Oriane.
[8]
Lorialé, c’est bien notre Oriane, chantant, faisant le clown, mais au fond fatiguée de prétendre que tout va bien, lasse de cacher sa souffrance.
[9]
Là encore, ce joli conte rend compte de la colère contenue depuis trop longtemps et qui étouffait Oriane. Puis comment elle a tenté de s’en débarrasser sans alors comprendre de quoi cette boule était vraiment constituée.
[10]
On retrouve clairement les stratégies de protection (bien d'inappropriées) qu’Oriane avait mise en place tour à tour: Août-Septembre 2011, elle commence le régime Dukan qui tourne en comportement anorexique. Je ne sais quand la transition s’est opérée, mais il était évident pour moi qu’en Juillet 2012, elle était devenue boulimique.
[11]
Oriane parlait effectivement d’errance. Elle en abusait parfois, ce qui lui a valu d'être plusieurs fois privée de sorties.
Chapitre 5 – Mercure
Une fois que la combinaison fût terminée, que le tout fût bien assemblé, Lorialé ne fit ni une ni deux et se hâta de l’enfiler pour rejoindre le monde interdit ! On eut dit un petit esquimau des airs ou un cosmonaute têtard à plumes… Un lundi de novembre, alors que la lune dormait à poings fermés et que des flocons de neige recouvraient la rondeur de Terre d’un somptueux manteau blanc, Lorialé déterminé, atterrit sur le sol étranger…
A peine arrivé, Lorialé s’enivra des moindres curiosités et des nouvelles saveurs qui abondaient en ces terres étranges… Il s’y oublia et en perdit la notion du temps (qui soit dit en passant n’était pas la même que là-haut… La notion du temps d’une part, et puis celle du danger d’autre part…) Lorialé n’avait désormais plus peur de rien, il était comme ensorcelé, en proie à une frénésie qui consistait à emmagasiner [5] le plus de souvenirs et de connaissances possibles, craignant secrètement qu’il ne puisse jamais avoir à nouveau l’opportunité de renouveler ce séjour interdit et comme appréhendant déjà les fureurs colériques d’une Lune en souci…
Avide et capricieux, on ne pouvait plus le freiner. Les yeux grand ouverts, il observait tous les faits et gestes des Terriens et scrutait les courbes et les lignes des pictogrammes dans les moindres détails… Lorialé apprenait vite. Vite et bien. Son esprit logique et sa mémoire l’aidaient à comprendre cette langue des signes [6] pourtant si complexe… Bientôt ni la calligraphie, ni les courbes, ni les combinaisons, ni même la ponctuation n’eurent encore de secret pour lui. Il eût pu s’entretenir avec le plus savant des Terriens sans trahir un brin de son identité d’immigré… Il était un véritable maître des arts terriens, pour ainsi dire. Il en connaissait chaque nuance, même les plus infimes, en maniait les moindres accents, et cela, juste de mémoire, m’sieurs, ‘dames ! (puisqu’il ne pouvait en créer de tels, son organisme étant constitué différemment…)
C’était d’ailleurs bien la raison de sa frustration… L’orgueil du petit être toujours davantage titillé par les diverses curiosités du pays voisin ne l’aidait pas vraiment à réévaluer ses intentions, ni même à prendre conscience du danger alentour. Lorialé voulait savoir une chose et une seule, et rien ni personne ne l’empêcherait d’y parvenir. Lorialé devait savoir si cette langue était aussi sonore que visuelle et persuadé d’en connaître toutes les arcanes, il se disait même que lui aussi, il serait bien capable de produire de tels signes s’il retirait tout bêtement sa capsule de verre.
Lorialé ne se méfia pas. Il ne se méfiait plus et depuis longtemps à dire vrai. Il avait baissé la garde et alors complètement insouciant, dans un élan de folie, dirons-nous, il prit une gorgée de sang et puis retira d’un coup d’un seul, la bulle nourricière de sa tête (pour écouter si les Terriens produisaient des sons en libérant cette calligraphie langagière, et pour s’assurer bien sûr, qu’il était en effet capable de les imiter…)
Or, à peine avait-il retiré sa bulle qu’il en oublia qu’il était en apnée et aspira malencontreusement une bouffée d’air terrien… En soi, rien de bien grave, hein ? Pareil à vous quand vous buvez la tasse, c’est juste un peu désagréable, mais enfin rien de mortel… Cela dit, le petit être de verre s’évanouit aussitôt… Lorsque notre prince reprit ses esprits, on ne sait par quel miracle, il était au beau milieu d’une plaine verdoyante, encore sur Terre, allongé, seul et calme, et sur sa tête, il avait à nouveau sa capsule de verre et… Et il vivait…normalement… Naturellement…comme si rien ne s’était passé… Comme si…
L’incident cependant lui laissa comme un arrière-goût amer dans la bouche et le petit cosmonaute de verre s’empressa de retirer sa combinaison nuageuse afin de regagner les « Terres des T’airs », désagréablement surpris par ce « faux-pas », comme dérangé lors d’un rêve coupable. Dans la hâte, il en oublia l’objectif scientifique de son séjour et laissa l’interrogation de la deuxième dimension pictographique en suspens… Un peu inquiet – un peu fautif aussi peut-être – comme ayant été pris en flagrant délit, le petit prince avait un souffle au cœur… La gorge nouée, le sentiment d’une gêne… d’un malaise… D’un corps étranger, même… Il attribua cette légère douleur à l’incident qui avait brutalement clos ses expéditions exotiques et ne s’en alarma donc pas davantage…
Une fois de retour, il alla voir la Lune, partagé entre l’impatience de tout lui raconter et la frustration de ne pouvoir le faire dans une langue purement émotive et enfin la crainte d’être réprimandé pour avoir bravé les interdits et être parti sans prévenir la Lune qui bien entendu, n’était pas dupe et l’avait fait suivre dès le premier jour par l’une de ses fidèles colombes [7]…
Toujours est-il que c’est bien la hâte – contre toute attente – qui eut raison de ses sentiments partagés. Au chevet de la Lune, il ne s’étonna que brièvement du silence placide qu’elle arborait et voulut enchaîner aussitôt par un chant qu’il avait préparé sur le chemin, en mimant quelques pictogrammes, en en dessinant aussi quelques uns avec l’une de ses mèches de plumes… Mais à peine ouvrit-il la bouche qu’un bruit strident vint étouffer le son de sa voix…. Le son produit était tellement aigu que Lorialé n’était pas certain de l’avoir réellement entendu, il se crût d’abord sourd, comme si des abeilles étaient venues se nicher dans le creux de ses oreilles, puis il crût que c’était un phénomène de résonance de sa propre voix provoqué par le sang d’encre séché dans ses tympans au contact de l’air terrien… En quelques secondes, il envisagea toutes les solutions, les phénomènes scientifiques tel un astronome chevronné, mais à chaque fois qu’il se remettait à ouvrir sa bouche joliment dessinée, il entendait ce cri horrible, infernal… Une torture épouvantable… Bref, il interrompit ses quelques brefs exercices, comprit rapidement que quelque chose n’allait pas, chanta encore quelques notes, voyant que la Lune n’entendait que le son de sa voix et fit mine de ne pas entendre celui qui la menaçait… Auprès de la Lune déjà légèrement suspicieuse, il lui assura que tout était en ordre et qu’il devait s’éclipser, qu’il avait une urgence, qu’il reviendrait bientôt… La Lune en effet n’avait pas entendu ce maudit son, elle ne percevait que les sons graves et n’avait donc pas compris le regard affolé du petit être…
Plus les jours passèrent, plus Lorialé devait redoubler d’efforts pour masquer l’extrême torture que ce son lui infligeait… Alors, un jour, il préféra la fuite, la solitude et le mutisme pour ne plus avoir à jouer la comédie [8]…
La Lune s’inquiéta de l’absence, du silence et de la morosité apparente de son petit protégé et elle dépêcha donc l’une de ses colombes afin de faire venir le jeune rêveur dans son laboratoire magique et de le soumettre à une auscultation complète… Lorsque Lorialé, abattu, apparût, du reste, il ne chercha plus à camoufler son mal-être, épuisé, il demeura muet face à la Lune, et lui lança un unique regard de détresse, un regard profondément désespéré et coupable. Un regard gorgé de sang d’encre… La Lune alors, l’anesthésia… Quand celui-ci revint à lui, la Lune éplorée, lui apprit la triste nouvelle. Lorialé était condamné. Il avait absorbé de l’air terrien lors de son séjour interdit et un globule rouge, ce qu’on appelle aussi une boule de mercure, ou une boule de colère [9] s’y était infiltrée… Les boules de mercure étaient des pustules de colères boursouflées, invisibles dans l’atmosphère, des masses de magma difformes, en ébullition qui trouvaient à se loger à l’intérieur du verre.
Lorialé apprit donc ainsi qu’il hébergeait à son insu, gracieusement, tous frais payés, « all inclusive » et dans le meilleur logis qui fût, s’il vous plaît, celle qui s’acharnait à détruire sa vie quotidiennement et qu’il n’y avait ni remède, ni palliatif pour l’apaiser…
Lorialé prit alors le taureau par les cornes et la peau de l’ours avant de l’avoir tué, et mit tout en œuvre pour venir à bout de cette affreuse boule…
Au départ donc, il cessa de manger, oui, il cessa de se nourrir, pensant ainsi que la boule maigrirait avec lui et disparaîtrait, mais il n'en fût rien. Le jeûne, la famine, la boule y semblait résistante. Si Lorialé, lui, s’affaiblissait de jour en jour, devenant minuscule et perdant toute énergie, la boule, étrangement devenait de plus en plus coriace. Elle hurlait toujours plus fort, rayant les bulles de verre en les faisant horriblement tinter les unes contre les autres, en en brisant même certaines et elle reprit rapidement sa forme initiale…
Alors, Lorialé songea à opérer de façon contraire, et chercha à l’étouffer, à la bȃillonner en la gavant comme une oie [10], il se mit à avaler tout ce qu’il trouvait, même des bouts de nuages, des morceaux de cumulus, des plumes, tout et n’importe quoi pour que sa gueule ne puisse plus produire de sons. Il pensait qu’à terme, elle exploserait et qu’il n’aurait qu’à se débarrasser des déchets de son cadavre... Mais, si au début, elle demeura muette et parût rassasiée, étranglée, très vite, elle se montra carrément insatiable, et Lorialé avait beau augmenter les doses, elle ne se taisait plus, même quand il fermait ses lèvres, elle criait au loup… Elle devint de plus en plus grosse, Lorialé s’en tordait le ventre et ne put plus rien avaler, les bulles de verre se brisèrent les unes après les autres et mirent ainsi l’espace vital du cœur à la plume dorée en péril…
Lorialé alors s’efforça de rejeter la boule en se pressant l’ensemble des bulles, il essaya de la faire sortir par tous les moyens, de la faire éclater avec les brisures de ses propres bulles, mais au lieu de ça, il se vidait de jour en jour sans que jamais la boule ne s’affaiblisse…Lorialé était épuisé… Il avait beau se triturer les méninges, il ne trouva aucune parade, aucun remède, aucun antidote… Il se mit alors à désespérer…
Il essaya enfin de la faire sortir… Il se disait qu’en la laissant hurler, elle userait peut-être ses cordes vocales et s’amenuiserait jusqu’à disparaître, alors il s’isola pour la laisser crier, jusqu’à ce que mort s’ensuive - de toutes façons, il n’avait pas besoin d’aller très loin, car plus personne n’osait l’approcher. A vrai dire, on le fuyait comme la peste. Lorialé était devenu un monstre, une infecte créature. Il erra et erra [11] à s’en épuiser pour que le sommeil vienne le délivrer, laissant la boule crier et hurler de toutes ses forces, à gorge déployée au-delà des sphères étoilées, seul, comme une âme en peine…
Mais rien n’y fit. Pareil à un thermomètre, Lorialé menaçait d’exploser sous la chaleur du mercure… Son sang d’encre nécessaire à la rotation des bulles s’asséchait de jour en jour, les bulles grinçaient, crissaient entre elles, s’ébréchant et se fêlant çà et là… Lorialé ne savait que faire pour la faire taire enfin… La simple idée qu’il ne pût plus jamais chanter… et plus jamais non plus entendre le son de sa propre voix le terrassait… Dire qu’il était devenu l’hôte de son propre bourreau… Le jardin d’Eden de l’affreux rat qui le rongeait de l’intérieur… La boule criait, réait, hurlait et hurlait encore et encore, elle hurlait si fort, et dans une telle fréquence qu’elle eût pu faire s’effondrer le palais des glaces en une seconde… Il ne trouvait plus aucun répit, même quand elle ne disait rien, il vivait dans l’effroi de l’entendre à nouveau et appréhendait chacun de ses cris… une peur épouvantable et constante l’habitait depuis… Et à chaque prise de parole, l’entièreté de ses bulles de verres intérieures tintaient, grinçaient, grésillaient, comme le ricanement d’un tyran, certaines éclataient même, se brisant au fond de son corps… Des bris transperçaient sa peau et son habit de soie, et les pleurs du petit prince s’écoulant à flots gouttaient le long de son tissu blanc, le maculant de morbides et longues trainées noires, petit à petit son habit s’assombrissait… Lorialé avait beau contenir sa tristesse, les larmes d’encre ne cessaient de se déverser et les éclats de verre qui déchiraient son corps de soie le faisaient se tordre dans tous les sens…
Tous les jours, Lorialé disparaissait un peu plus… Et bientôt, il ne serait même plus perceptible ni aux yeux de la Lune, ni aux yeux du monde….
Chapitre 6 – Vénus
Toutefois ceux qui déclaraient Lorialé condamné s’étaient bien fourvoyés, ils avaient oublié un petit détail : notre petit prince n’était pas un être comme les autres, il n’était ni poisseux, ni pouilleux, ni même maudit, bien au contraire ! Lorialé était né sous de bonnes étoiles, comme on dit... Il était un enfant sacré, un enfant béni des dieux, fleur d’un amour immaculé entre la vie et la mort, presque sempiternel, il portait en lui les gènes d’un monde parfait ! Comment donc eût-on pu signer son arrêt de mort?
En effet, depuis qu’il était né, il existait au loin, un ange gardien qui s’était entiché de sa petite âme précieuse et qui veillait sur lui jour et nuit, rêvant pouvoir un jour l’approcher sans être craint ou rejeté… Fifotte [12] était une petite fée en mousse toute rigolote qui avait eu le coup de foudre pour Lorialé… Du jour où il était né, il l’avait éblouie ! Pour vivre, elle devait s’imbiber régulièrement du sang noir d’éther, ce qui l’obligeait à rester dans l’ombre assez souvent, invisible et gorgée d’encre, allongée à l’orée des trous noirs qui embrassaient les deux astres ainsi que les « Terres des T’airs »… De temps à autre, elle se dégonflait, se débouchait des trous noirs, et quittait son fief pour suivre la destinée de notre petit héros et s’assurer de son bien-être, toujours le sourire jusqu’aux oreilles, et c’est pas peu dire, parce que les oreilles, notre petite Fifotte le portait au sommet de sa tête…
Et, tous les soirs, lorsque Lorialé venait à s’assoupir, qu’il fermait les yeux, éreinté par les cris incessants et les échecs des stratégies mises en place, la petite fée se vidait de son sang et venait se lover contre le prince, se gonflant à nouveau de sang pour assurer le meilleur confort au petit être de verre…Lorialé ne la voyait jamais, pourtant il s’étonnait toujours de la douceur de certaines de ses nuits et les attendait avec impatience…
Cependant, le désespoir et la mélancolie régnaient désormais en maître dans le corps du petit prince, sa plume d’or se recroquevillait toujours davantage, s’effilochant et lui provoquant des crampes indescriptibles… Un jour, Lorialé songea même à se laisser tomber, il sauta de l’une des « Terres des T’airs », et espérant rendre l’âme dans sa chute, mais il n’y avait pas de chute possible dans les eaux pélagiennes de la galaxie, pas de chute sans gravitation, même la solution finale ne pût donc être envisagée… Lorialé semblait donc indéniablement condamné à se laisser consumer par la boule de mercure…
Mais, Fifotte, témoin du déclin, ne pouvait se résoudre à le laisser autant souffrir… Mais, pour sauver Lorialé, la petite fée en mousse devait d’abord se rendre visible, non seulement pour que Lorialé puisse la voir et surtout pour rendre Lorialé à nouveau visible aux yeux de la Lune…
Alors, par quelques habiles pirouettes, vrilles et rotations sur elle-même, à l’instar d’une toupie TGV, Fifotte s’essora et souffla le sang d’encre qui l’imbibait encore et devint alors plus lumineuse encore que la plus brillante des étoiles, Fifotte possédait en effet dans son corps de mousse un petit cœur en or blanc qui suffisait à éclairer l’univers tout entier… Certains l’avaient d’ailleurs baptisée Vénus…
Dès lors, Fifotte apparut à Lorialé et le mit en lumière… Lorialé, plongé dans le désespoir le plus profond, fut enchanté par la lumineuse petite créature et reprit aussitôt courage et confiance… Il aurait été foncièrement incohérent et parfaitement illogique, vous concéderez, de croire à une telle malédiction ! Il ne pouvait y avoir d’aussi funeste destin, d’aussi triste condamnation si une petite fée aussi éblouissante existait et lui portait secours, délibérément et sans la moindre prière… C’eût été un non-sens absolu…
Lorialé se résolut donc à se battre contre la boule rouge qui l’habitait… et nos deux petites créatures, Lorialé et Fifotte, se promirent l’un à l’autre et devinrent inséparables. Fifotte escortait le prince d’Ether dans ses moindres déplacements, elle était sa lumière, son or, son cœur, son amie, son soutien, il était sa raison de vivre, son tout, son contraire, son ombre, son cœur aussi, son ami, son soutien… elle était l’anneau étreignant Saturne, il était son satellite, ils étaient une constellation amoureuse… l’autre l’écorce de l’un, l’un la sève de l’autre, l’un le sang de l’autre, l’autre le derme de l’un…
…Tous deux se mirent alors à réfléchir et à rêver des plans les plus fantastiques et des créations les plus intrépides pour fabriquer l’antidote qui annihilerait « Mercurichon », (ils l’avaient appelée comme ça comme pour ridiculiser celle qui amenuisait de jour en jour la durée de vie du petit être de verre, comme pour l’affaiblir et la rendre bénigne et misérable…)
C’est ainsi que le duo électrique, un beau jour, enfourcha un bris de verre qu’ils avaient affublé d’un moteur super puissant, et grâce à la lumière émise par la petite fée en mousse, le duo partit à la quête du soleil plongé dans l’obscurité et retrouva non sans difficulté la petite boulette de charbon qu’il embrasa à coups d’allumettes… La chaleur et la puissance dégagées par l’incendie et les braises enflammèrent et anéantirent toutes les boules rouges alentours qui flottaient dans le ciel, ce fut un immense brasier, le ciel était rouge mordoré. Le jackpot du soleil. Un coup de feu solaire avait suffi à éradiquer tous les mercurichons de la galaxie. D’un coup d’un seul. Un véritable coup de maître !
… Mais, si toutes les boules rouges semblaient avoir été anéanties, celle de Lorialé pourtant hurlait toujours, elle hurlait si fort qu’elle faisait fuir toutes les plus jolies créatures qui jusqu’alors ne se détachaient pas du petit être de verre… Seule Fifotte qui était sourde resta près de lui, et la lune qui ne percevait pas la fréquence de tels sons… Mercurichon continua de croître, de grossir VIRG [13] de s’obésifier, à l’intérieur du petit corps frêle qu’elle possédait comme sa propriété privée…
Notes
[12]
J’ai trouvé Fifotte mentionnée deux fois sur le Web, une fois justement comme des fées en lien avec les Lorialets, l’autre instance est le titre d’une chanson du groupe Les Goules dans leur album “Les Animaux” mais les paroles ne sont pas disponibles.
[13]
Je ne suis pas sure de comprendre ce que ça vient faire la et sa copie imprimée du petit conte moderne ne contient pas ces 4 lettres mais je dois de rendre ce qu’il y avait dans l’original: “Mercurichon continua de croître, de grossir VIRG de s’obésifier, à l’intérieur du petit corps”
Chapitre 7 – Saturne
Un soir, à force de grossir, la boule rouge fit éclater les petites bulles de verre les plus proches de son cœur, Lorialé se mit alors à suffoquer, et dans une pulsion irrépressible, il s’empara d’un poignard acéré et chercha à transpercer la boule rouge, et comme celle-ci était derrière son cœur, il planta le poignard dans son cœur et brisa la bulle de verre qui conservait la plume d’or, et l’eau pure se déversa… Lorialé perdit connaissance… Fifotte endormie se réveilla en sursaut, percevant comme par magie (n’oublions pas qu’elle est sourde de naissance), le son le plus horrible qu’elle n’ait jamais entendu, un cri effroyable, abominable, l’ultime cri de la boule agonisante, un cri si atroce que sa surdité lui apparut soudain pour la première fois une grâce de dieu…
Très vite, elle comprit ce qu’il venait de se passer, elle retira, éplorée, le poignard de la poitrine de son chérubin [14], se mit en boule, étanchant les parois de la plaie et tenta de boucher la béance mortelle en s’y lovant, pour que la plume d’or ne se dessèche…
Lorsque Lorialé reprit ses esprits, il était recouvert de sa combinaison de soie blanche… D’une blancheur immaculée… Il se sentit comme léger, libéré… Libéré d’un affreux poids, il voulut dès lors faire part de ce ressenti à Fifotte en lui chantant l’une des plus belles symphonies d’amour qu’il ait imaginée, une ode à la joie, pour ainsi dire, persuadé d’avoir éradiqué à coup de poignard l’immonde globule…
Il la chercha des yeux… Mais elle avait disparu… Il se mit alors à errer de bris en bris, tous les jours, sans cesse, inlassablement… Le soleil encore embrasé çà et là, accompagnait ses pérégrinations nocturnes sans mot dire… Le monde semblait comme plongé dans un mutisme secret, comme mystérieusement, coupablement en deuil… Personne ne pipait mot, pas un son, pas une note… Rien… Rien que des regards tristes, muets, et compatissants…
La Lune alors, voyant son petit être s’amoindrir et s’époumoner, s’essouffler sans raison, ne pouvant lui expliquer en mots ce qu’il s’était passé, le fit dépêcher par l’une de ses servantes colombes et lorsqu’il lui apparut fragile et tout triste, elle se contenta de pointer le bout de son croissant sur son cœur. Pour la première fois, Lorialé aperçut la petite tâche parfaitement ronde et noire sur la soierie de son vêtement. Il comprit que Fifotte l’avait sauvé en se laissant sécher entre les parois de sa plaie, formant comme une croûte sur son cœur béant, la plume d’or seule brillait d’une lumière troublée derrière la tâche… Ainsi Fifotte et Lorialé restèrent liés à vie… l’un mort, l’autre vivant, indispensables l’un à l’autre, drôle de destinée pour un être que la vie et la mort avaient enfanté… elle avait été sa muse, elle serait désormais et ce jusqu’à la fin de sa vie le chef d’orchestre de sa symphonie cardiaque, sourde comme Beethoven et pourtant condamnée à être l’unique compositeur des battements de son cœur, elle déciderait jusqu’à sa mort, des temps de l’allegro et de l’andante, imposerait les blanches, le silence, la cadence… Elle serait l’écorce de l’écorché, le linceul de l’esseulé, à vie la petite fée panserait l’épanché, danserait l’éploré en son petit cœur mordoré…
Notes
[14]
Sachant que Chris, son fiancé de plus de 10 ans, lui a sauvé la vie en Juillet 2012, j’aurai tendance à penser que Fifotte représente Chris, ce qui est appuyé par ce lien inaltérable et éternel qu’Oriane décrit entre Fifotte et Lorialé.
Chapitre 8 – Soleil
Depuis, tous les matins, avant que les enfants ne se réveillent, que les paupières ne frémissent, bien avant que le monde ne se meuve, bien avant que les grenouilles ne se mettent à croasser et bien avant que le coq ne fasse trembler son barbillon hasardeux, Lorialé se lève, frotte ses grands yeux d’encre noire avec ses mains de soie blanche, s’empare d’une petite boîte d’allumettes et embrase le soleil qui s’éteint toutes les nuits, pour dire bonjour à sa belle défunte, et le soir avant de se coucher, il l’embrase une nouvelle fois, pour combattre les globules de colère et rendre hommage à la petite fée qui, désormais, comble son cœur doré… Des fois, il arrive cependant, que l’allumette se rompe, cela provoque alors comme de petits éclairs dans le ciel, et puis au loin, si on écoute bien, on entend le grognement sourd du Petit prince qui s’impatiente et craint de ne pouvoir saluer sa douce fée, un grognement sourd qui s’accompagne des larmes de crocodile que Lorialé déverse, dans son désespoir, et qui perdent leurs couleurs d’encre au contact de la Terre…
…Mais, enfin, ses pleurs ne durent jamais bien longtemps… En effet, jusque-là, Lorialé est toujours parvenu à rallumer le soleil…. et comme pour le remercier, avec son humour de Fifotte, quand Lorialé se met à éternuer, ça fait dans le ciel des feux d’artifice… et Lorialé alors se met à rigoler…
Quant à la Lune, toujours pleine d’empathie et de compassion, elle subit ce deuil de plein fouet et ne pouvant supporter les douloureux souvenirs que celui-ci lui rappela, elle se mit à développer un étrange comportement compulsif : elle simula des grossesses à tire-larigot comme cherchant à réitérer celle qui l’avait aidée à combler le manque de son astre chéri…
Depuis le décès de Fifotte donc, elle se met donc à disparaître des cieux, tous les jours pour réapparaître toutes les nuits toujours plus ronde que la veille... Et elle ne s’en lasse pas ! Inutile donc de vous dire que si aujourd’hui les grossesses avaient abouti, il y aurait des millions de Lorialés dans le monde…

Annexe A: Notes d'origine
Les notes d’origine d’Oriane contienne un plan pour ce conte qui comportait aussi 8 chapitres mais intitulés légèrement différemment, comme suit:
1 Ether Origine du monde
2 Terres des T’aires Big Bang
3 Lune Naissance de Lorialée
4 Terre Découverte du langage
5 Mercure La malédiction
6 Vénus Rencontre de l’amour
7 Soleil L’envolée amoureuse, l’embrasement du monde
8 Saturne La guérison et le deuil
Dessins sans légende ou titre:

Annexe B: La légende des Lorialets
Oriane avait créé trois pages Facebook, l’une pour ses dessins, Le Lorialet, l’autre pour sa page perso, Lorialée d'Orion, et la dernière pour ses écrits, Les Petites Poésies de Lorialée. Les trois sont dérivées de ces personnages de mythologie, de légende, de conte de fées. Et Oriane a opté pour un Pierrot lunaire comme photo de profil pour ses petites poésies, peut-être la meilleure incarnation du Lorialet. Une fois devenue plus familière avec ces personnages, je me suis rendue compte qu’Oriane avait savamment bien choisi ce pseudonyme. Peut-être ce choix vous paraîtra-t-il pertinent aussi après avoir pris connaissance de cette annexe.
Notons qu’un Lorialet est un personnage réel de légende mais Oriane en a changé l’orthographe pour créér son pseudo, Lorialée. Notons aussi qu’en plus de la légende, et des Pierrots lunaires, Oriane avait récemment relu le Petit Prince.
Lorialet
- Sources d'information secondaires: Wikipédia et divers sites Internet loufoques (lunamoon, les ailes immortelles, arcanes lyriques).
- Sources d'information primaires: p32-33 de “La Grande Encyclopédie des Fées et autres petites créatures” (1996) de Pierre Dubois; “Livre des fées, des fantômes, et des sages” (1906) par Alexandre Cormier, décédé à 35 ans mais dont les contes sont décrits comme précis, brillants, légers, riches, humoristiques, philosophiques, et enchanteurs.
Les Lorialets sont des créatures imaginaires, surnaturelles dont l’origine reste indéterminée… peut-être la mythologie gréco-romaine, peut-être les Chroniques Gargantuines. Dans les deux cas, les Lorialets, appelés aussi les Lunatiques, sont des êtres en lien étroit avec la Lune, le plus souvent décrits comme des enfants nés de l’union d’une femme et d’un rayon de Lune.
/Origine/
-
Selon les Chroniques Gargantuines.
Les Lorialets seraient des enfants mortels (et donc humains), nés ou conçus à la lumière de la Lune, ou l'ayant regardée trop longtemps. « Lorsqu'une femme se dénude à la Lune en phase montante, elle s'expose à être Loarée, c'est-à-dire à être fécondée par l'esprit de la Lune, et l'enfant naîtra sous son influence. Une femme qui accouche accidentellement dans un champ baigné par ses rayons mettra également au monde un enfant Lorialet. »
Note: Les Chroniques Gargantuines est le titre retenu sous lequel a été rassemblé le roman paru à Lyon en 1532, sans auteur et sous le titre “Grandes et inestimables crocniques du grant et énorme géant Gargantua”, ainsi que d’autres récits se rapportant à Gargantua rédigés par d’autres auteurs entre 1533 et 1544. Certains pensent que Rabelais en est l’auteur, d’autres argumentent que Rabelais y a trouvé ses personnages puisqu’il y fait explicitement référence dans son prologue de “Pantagruel”.
-
Dans la mythologie gréco-romaine
Les Lorialets seraient les descendants de Séléné chez les Grecs (ou Luna chez les Romains), déesse de la Lune, et d'Endymion.
Chaque soir, illuminant les ténèbres de ses chevaux argentés, " la divine Séléné-aux-larges-ailes, après avoir baigné son blanc corps dans l'océan, revêtait des vêtements splendides, et s'élevait vers le ciel, emportée sur son char par de brillants coursiers". Parfois un dragon tentait de la dévorer, alors elle se cachait, provoquant une éclipse; et les magiciennes qui la protégeaient faisaient fuir la Bête. Zeus la convoita et lui donna trois filles: Pandia, Némée et Ersé. Mais la belle ne désirait qu'Endymion, un berger pasteur, à qui Zeus avait accordé beauté et jeunesse éternelle à la condition de demeurer à jamais endormi.
Enamourée, Seléné se coucha contre le flanc de son amant mortel et, de baisers en baisers chaque soir répétés, enfanta cinquante filles... et un fils qui, attiré par l'azur de la planète bleue, atterrit sur Terre pour épouser une Fée. Depuis, toute sa descendance, les Lorialets, ne rêve qu'à la lune...

/Apparence et longévite/
Selon les légendes, les Lorialets sont dotés d'une fine pilosité nacrée et d'ailes seulement visibles aux autres Lorialets, ou ont simplement une apparence humaine (ci-contre est une image qu’Oriane avait choisie comme photo de profil Facebook pour un temps). En tout cas, ces créatures se caractérisent par leur air rêveur et leurs traits mélancoliques d’enfant toujours en quête de quelque chose.
Le Lorialet n'est en général pas très grand - il pousse mal dit-on.
Contrairement à Pierrot, le Lorialet n’a ni visage talqué, ni un vêtement domino à pompons, ni de calotte noire, ni fraise empesée, ni mandoline. Le Lorialet est un rêveur de lune, il n'a nul besoin de fard pour exprimer son rêve. Le Lorialet a le visage rond et pâle, le regard lointain, les cheveux ébouriffés.
Il porte des vêtements souvent peu soignés, portés de façon débraillée et négligée car il ne se soucie guère de son apparence. S’il parvient à l'âge adulte, ou bien il oublie de s'habiller et laisse ses vêtements se débrouiller tout seuls pour l'endosser, le chausser et fermer ses boutons; ou au contraire il se vêt pour attirer la Lune et le regard des Fées, mais sera trop raffiné avec des allures de dandy, mais toujours de façon exagérée si bien qu’il frise le mirifique, la « cloche » philosophique, le dandysme inconvenant. Le chapeau est de rigueur comme perchoir aux Elfines.

Selon les auteurs, la durée de vie des lunatiques varie. Généralement il meurt avant d'atteindre l'âge adulte, d'après Edouard Brasey. Mais, selon certaines légendes, les Lorialets peuvent tout de même subsister éternellement (et donc atteindre l'âge adulte), à condition d'être régulièrement exposés au rayons de la Lune.
/Personnalité et Moeurs/
Le régime alimentaire du Lorialet comprend la soupe à la grande citrouille, la tisane aux lupulines, à la minette dorée, et les saurinettes d'automne.
Solitaire, il n'a pas d'attrait pour les amours mortelles ni pour les roucoulades de la Colombine. Les chats l'apprécient. Et en ami de la faune et la flore qu'il protège, il est souvent suivit par les vers luisants, les phalènes, les éphémères, les lucioles, les hérissons et les champignons. Il aime les lucarnes, les tours, les greniers. Il aime les lieux de silence (source d’inspiration), les clairières et les mares lunatiques - où qu'il soit, il demeure dans la Lune. Ceci en fait un mauvais élève et mauvais employé. Pourtant, le Lorialet n'est ni paresseux ni de mauvaise volonté, sa tête limbifère est simplement ailleurs, parmi les fifottes du ciel.
Sa personnalité est complexe et empreinte d’une très forte mélancolie. Doux, solitaire, méditatif et rêveur, le Lorialet ne trouve jamais le bonheur sur Terre et n’aspire qu’à retourner sur la lune qu’il considère comme son unique et véritable patrie, même s’il n’est pas sélénite. Il semblerait qu’ils en soient tombés et toute leur vie, ils “resteront dans la Lune”, à courir les chemins lunescents à la recherche des royaumes féeriques. Ainsi, la plupart de ces êtres lunaires restent de malheureux innocents toute leur vie et ne connaissent jamais l’amour ou alors assez rarement. Si un Lorialet arrive à renoncer à La lune et à s’intégrer, exceptionnellement il aura la capacité de devenir un grand dandy séducteur.
/Talents, Pouvoirs, et Activités/
Les Lorialets sont de formidables artistes, dotés d'un imaginaire foisonnant, et doués pour la musique, la peinture et l'écriture de nouvelles. Certains disent qu’il ne rime ou ne compose qu’au secret de son coeur. D’autres le disent alchimiste mais il n’a jamais rien transmute. Ses pouvoirs et attirances magiques auraient pu faire de lui un astronome, un cosmonaute, mais il répugne à équationner les paysages de l'âme et plus encore, se révolte à l'idée de « conquérir » et « exploiter » les divins infinis.
Vagabond ou chercheur de Fées, le Lorialet a également le don de percevoir l’invisible, le passé et l’avenir, bien qu’il ne l’exploite pas toujours.
Enfin, ses sentiments peuvent s’extérioriser par la pluie et le beau temps car en plus de sa nature artistique, certaines légendes très anciennes ont attribué au Lorialet des pouvoirs tempestaires c’est à dire qu’involontairement, il fait tomber la pluie ou briller le soleil en fonction de son humeur triste ou contente et des cycles de la Lune. C’est d’ailleurs de ces légendes que le terme « lunatique » a émergé pour désigner une personne qui change facilement d’humeur.
/Symbolique et Psychologie/
Étant souvent décrits ou dessinés comme jeunes et mélancoliques, on pourrait penser que les Lorialets sont en fait une représentation des enfants rêveurs et délaissés. Issus de la Lune, ils ne songent qu’à y retourner car aucun autre endroit sur Terre ne saurait les rassurer et les rendre heureux. Comme les Lorialets qui rêvent de rejoindre la Lune, les enfants souhaitent être proches de leurs parents et vivre des aventures passionnantes. Comme les Lorialets, les enfants ne perçoivent pas très bien la frontière entre le monde réel et l'imaginaire, et ne sont pas encore conscients de certains états de faits que connaissent la plupart des adultes.
En psychologie le terme de Lorialet peut être utilisé pour désigner un enfant autiste qui refuse de vivre dans la réalité. Cependant, ce terme peut être connoté de manière plus légère pour quelqu’un qui est « toujours dans la Lune », qui s’adapte mal au monde qui l’entoure, et ne pouvant physiquement rejoindre la Lune c’est par ses pensées qu’il va se relier à elle.
/Exemples de Lorialet/
De nos jours, la symbolique du Lorialet n’est que très peu répandue dans nos œuvres culturelles.

On peut citer comme exemple Pierrot la Lune dont l’imagerie est encore présente dans certaines chansons enfantines ou dans certains textes. L’apparence générale de Pierrot, à la fois mystérieuse et mélancolique est souvent représentée pour des figurines de collection ou pour des costumes de théâtre ou des déguisements. Au cas ou vous auriez oublie ce personnage, j’ai ajoute quelques lignes a la fin de cet appendice.
La chanson « Hijo de la luna » du groupe espagnol Mecano s’en inspire également reprenant quelques légendes gitanes dans lesquelles une femme et son mari ne pouvant avoir d’enfant aurait demandé à la lune d’exaucer leurs prières. De cette demande tant espérée, la gitane aurait mis quelques mois plus tard un enfant au monde. Mais cet enfant aux yeux d’argent et ne ressemblant à aucun autre aurait semé le doute dans l’esprit de son père qui persuadé d’une infidélité de la part de sa compagne décide d’égorger celle-ci sous les yeux apeurés de l’enfant qui saura ensuite trouver refuge auprès de la Lune…
Dans le film El Niño de la Luna (en), une tribu africaine attend l'arrivée d'un enfant de peau blanche que les prophéties définissent comme étant « le Fils de la Lune ». David, le personnage principal, croit être cet enfant.
La petite Ofelia, héroïne du film le « Labyrinthe de Pan » de Guillermo Del Toro apprend en discutant avec un faune qu'elle est « la fille du roi […] du royaume souterrain » et de « la Lune qui l'a engendrée ». Ofelia pourrait donc aussi convenir à la définition du Lorialet par son aspect fragile, son envie d’échapper à une réalité bien trop brutale et son souhait désespéré de rejoindre le berceau originel…
Et puis aussi la série télévisée franco-espagnole-japonaise « Marcelino » qui met en scène un petit garçon recueilli par des moines un soir de pleine lune et qui aura le pouvoir de parler aux animaux et donc d’en défendre la cause.
Je rajouterai ma touche avec Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupery, qui certes vient de l'astéroïde B612 et non de la Lune, mais qui rêve de retrouver ses volcans et sa rose, qui parle aux animaux, et qui ne comprend pas les adultes, tous aussi décevant les uns que les autres.
De ces quelques exemples, le Lorialet nous apparaît donc comme un être attachant, solitaire, rêveur et profondément mélancolique. Il ne recherche que la quiétude d’esprit qu’il pense retrouver auprès de sa mère ou plus généralement au sein de son essence et de ses racines. Ce pèlerinage lui est souvent difficile, douloureux et dans la plupart des cas inaccessible tout au long de cette vie terrestre qu’il refuse d’intégrer. Ainsi le Lorialet peut faire partie de la famille des artistes qualifiés de « maudits » qui ont comme lui cette frustration d’appartenir à un monde qu’ils ne comprennent pas et qu’ils n’ont pas choisi…
***********************
Comment ne pas y voir Oriane. Elle est un Lorialet, artiste à l’imagination foisonnante, amie des animaux (cherchant à soigner une colombe dans son tout premier roman, puis se faisant l’amie d’une renarde dans le suivant), la tête dans la Lune, en oubliant son sac à dos dans le bus, ou ses lunettes sur sa tête… sans oublier ses tenues débraillées qui se sont par la suite raffinées à l'âge adulte. Et puis, sur la fin, son appétit d’ogre alors que le Lorialet est apparu dans les chroniques d’un géant ogre...
Spéciale Pierrot
« Au clair de la lune, mon ami Pierrot, prête-moi ta plume* pour écrire un mot... ». «J'erre entre ciel et poussière dans la solitude et le silence, le regard perdu dans les étoiles, le cœur plein de mélancolie. J'allonge le pas sous une nuit éternelle, sur un rivage infini : mon pied est léger, mon cœur est lourd, et mes larmes s'évaporent comme de l'éther** dans l'espace. Mon chagrin a le prix des choses inconsistantes : je pleure pour rien du tout. Je suis affligé, inconsolable, perdu. Je n'ai plus de joie, et mon infinie tristesse est cependant ma raison de vivre. La blonde veilleuse est mon asile : je suis PIERROT LUNAIRE.» Pierrot, le Pierrot blanc, le Pierrot lunaire qui rêve à a Lune, écrit et soupire à la Lune, est l'incarnation même du Lorialet. Il est issu de la Lune et ne songe qu'à y retourner. Il avait imagine pour ce faire une nacelle légère de joncs coupés et tressés à la pleine lune, recouverte de lichens de lune, accrochée par des fils fins de rayons de lune à un système de grandes voiles de soie étalées la nuit sur les prés afin de les imbiber de rosée. Il espérait ainsi qu'en s'évaporant, la rosée entraînerait avec elle le frêle esquif et le conduirait jusqu'à l'astre de ses vœux. Mais le soleil avait trop vite asséché la voilure et « faute de combustible la belle espérance était retombée comme Icare dans son rêve d'envol ». Désespéré par cet échec, Pierrot n'y accède plus qu'en songe.




* Peut-être est-ce la plume à l’origine de la plume du coeur de Lorialé dans le conte moderne d’Oriane.
** Là encore, les larmes d'éther de Pierrot ont probablement inspiré le Prince d’Ether d’Oriane.