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Les petites poésies de Lorialée

 

Les Petites Poésies de Lorialée sont un recueil de poésies qu’Oriane avait écrit dans un cahier à pages type recyclées. La page de droite était pour la poésie, écrite à l’encre noire en lettres cursives penchant à droite; celle de gauche pour un dessin, un nu généralement, au fusain noir pour les ombres et fusain blanc pour la lumière. Pour conserver ses dessins, elle avait protégé chaque page de ce cahier par une feuille de mouchoir ou du fin papier journal. Pour moi, ça rendait le dessin encore plus précieux, plus délicat, quand j’ai ouvert, découvert ce cahier. Par la suite, elle l’avait aussi imprimé et organisé dans un classeur, et publié sur sa page Facebook du même nom (malheureusement celle-ci n'existe plus depuis Juillet 2015) en Janvier 2014. Certaines apparaissent aussi dans son roman Purgatorio. Plus tard, elle reprendra ce recueil sous le nom “Les Maux Nus” avec le sous-titre “mise en mots et mise à nu”. D'après ce dernier, les poésies ont été écrites entre 2013 et 2014, mais les dates de chacune ne sont pas précisées. Ici, je retranscris chaque poésie au coté du dessin d’origine. Parce que tous les dessins n'ont pas une poésie associée, j'ai fait une section Poésies dans la partie Art pour y inclure tout ce receuil complet de dessins.

 

L'image ci-contre est celle qu'Oriane avait choisi comme photo de profil pour sa page Facebook des petites poésies. 

Solfège de minuit

 

… Ré, Do, moires d’un arpège crépitant en son cœur ajouré

 

Chœurs sacrés, pitié, faites résonner le glas de vos cors éculés

A l'orée de son corps foré, frigorifiée, elle patiente et s’endort

Et d’ores et déjà, ses sens élimés dans la rosée perlée, s’évaporent

Et les pores d’or et d’argent de ses pieds crevassés et les cors

Encore avides de morbidité, voraces, rongent et dévorent

L’ossature de son ultime effort, interrompent l’essai de son essor

Et le mauvais sort, des lors se rompt sur son échine et l’essaim de la mort

 

Sur les rives de son cœur ajouré, se rue et s’échoue alors, mordoré….

Solfege de Minuit
Transit

 

Je suis un sac, un sas

Un interface

Un unique ressac.

Déplacée, délaissée, crevassée,

Lassée, je rêvasse et ressasse  

Sans cesse

Insatiable, j’encaisse, j’entasse

la crasse en moi

 

Embarrassée, agacée

je caresse la place de mon trépas.

En détresse,

j’embrasse et j’enlace frénétique

Cette carapace cassée,  

N’y ai pourtant pas accès,  

Désaxée, déplacée, désossée.

 

Je passe

je suis un passage, une place

hélas, je ne fais que passer

jamais je ne reste

céleste.

 

La face cachée, sans laisser de trace

effacée,

toujours à la surface.

 

Je suis un passage,

la paroi d’un oesophage.

Je ne fais que passer*

 

Soit je déplace, soit je trépasse.

 

Naufrager sans bagages, nocher en voyage, 

Egaré dans une voie de garage

Nageur effréné au fond d’un sarcophage

Mage en marge, entre deux âges, ennuagé,  

Toujours transitive, toujours traversée,

 

Transparente,

je suis un espace-vente

je suis une place de marché...

* Ces trois lignes apparaissent dans le cahier mais plus dans les versions imprimées. La version Facebook est une version écourtée et réarrangée.

Transit
Sombre, tremble!

 

Sombre, tremble

Monstre abscons !

Monstrueux Monstre !

Montre, aller,

Montre l’ombre de ta truelle,  

L’arme de ton meurtre cruel !

Résonne, affreuse ritournelle

et Révèle l’obscure stratagème

De ton éternelle prospérité

Triomphe

De ta rituelle distraction, de ma réelle destruction.

 

Mon truand, qu’attends-tu pour me tuer à bout portant ?

 

Chante la tuerie que tu t’apprêtes à commettre !

Tranche, hache et étête mon être  

De ton sabre de bronze

 

Pénètre, monstrueux truand, démon de mon antre, entre tyran !

En mon bonde cruanté, sécrète en mon ventre,  

Emiette, égraine, constelle mon horizon

De ton infâme ton poison

Prostrée sous mon ombrelle déchiquetée,  

 

La mort m’observe

Discrète, dans la pénombre

Consternée, elle constate

Les combes et les décombres,

Les restes de mon sombre squelette  

Obscurément prosterné,

Au fond de sa tombe

 

Sombre
La bête

 

Il est la bête que l'on abat

à l'arbalète, la corde tendue

la bête que l'on étête

et dont on conserve les abats

Abattue,

la tête en bas,

fendue.  

 

 

L'épaule de Tirésias

 

Je suis la prostituée de ses yeux perdus

Aveuglément, je lui offre l'entièreté de ma vue

Tandis que d'autres offrent leur nudité, leur corps

Et sous le son de ses mots, je rêve et m'endors...

 

Révèle alors ses yeux brouillés

Imbibe sa plume brisée

parcoure ses veines élimées

valse ses doigts désarticulés

 

Je suis la fragilité de son échine rompue,

de son dos fourbu

La courbe maladroite de son corps déhanché

de son cœur éprouvé

 

Je l'incarne

Je suis le prolongement de son bras

l'eau de son encre

le sang qui noircit

l'écorce de sa vie

 

Je suis le sculpteur de sa verve

l'empreinte de ses pas

l'ardeur de sa fièvre

le mol argile entre ses doigts

l'écorchure zébrée de sa douleur

la rondeur de son immaculée candeur

 

Au sorcier zoulou...

Pour J-M P.  

Note: Tirésias, alias Jean-Marie Paisse, est décrit comme un sauveur dans le Purgatorio d’Oriane. Il l’embarque dans son enfance à lui, au travers de ses écrits autobiographiques qu’Oriane tape à sa dictée, moyennant quelques sous. Cet homme de 80 ans (2014) est un patient de maman. Il appelait Oriane sa constellation. C’est peut-être de là que lui est venue l'idée de la constellation d’Orion pour compléter son pseudonyme de poète Lorialée d’Orion. Toujours est-il que Mr. Paisse s’est pris d’affection pour Oriane, tant et si bien que non seulement, il a tenté sa propre thérapie sur elle (ça n’a pas marché, ou trop bien car il l’avait mise dans une colère noire même elle n’a jamais voulu reprendre où ils s'étaient arrêtés) mais aussi, il voulait en faire son héritière à sa mort (triste ironie). Héritière de quoi? Elle ne savait pas trop… de sa bibliothèque conséquente peut-être. Je crois qu’Oriane avait trouvé en lui un pair dans le sens où ce monsieur est un orphelin et qu’Oriane avait ce sentiment, cette peur de l’abandon et du rejet.

La Bete
L'epaule de tiresias
Quelques gouttes d'amour

 

Quelques gouttes d'amour ruissellent le long des courbes éthérées de la lune

Assise en son sein, perchée là-haut, les pieds nus, la tête dans les nuages,

Parmi les fifottes argentées du ciel

Je pêche une étoile et d'un baiser, la dépose sur la rondeur de son front...

 

Je flirte avec la lune

m’avine de son écume

Et j’allume les étoiles d’été

Et voile les dunes dénudées

D’une étole de soie cuivrée

Note: Première claire référence au Lorialet. Poésie publiée sur Facebook le 1er Janvier 2014, avant les autres.

Quelques gouttes
chef d'orchestre
Sans titre

 

Je suis le maître, le chef d’orchestre de cette ultime

symphonie, la voie divine d’une sinistre cacophonie,

la voie centrale, la voie ventrale, l’ancre et l’axe de

toute chose, l’unique aorte, l’unique rocade, le pupitre

d’une chorale apocalyptique…

 

J’impose le rétrécissement de chaussée.

J’impose ma loi, j’inflige les ecchymoses

Je prends la pause, je suis la clause

J’impose ma volonté, je suis rythme, je suis vers, je suis prose

Je suis Poséidon, je décide des algorithmes de l’osmose

Corrosive, j’empoisonne, j’emprisonne ou j’apprivoise à ma guise

Je suis la mesure de toute chose

Je dose

J’impose, j’impose, j’explose

Note: implose, improvise: d’autre mots qui auraient pu se fondre dans la mélodie de ce texte

 

Clouée

 

Clouée

à terre. D'éther

mes ailes éboutées

Boueuse, creusée, je suis un bulldozer crotté

embourbée dans la boue...

je m'ébroue

jamais je n'aboutis,

toujours, je bousille et j'emboutis

je suis mon bourreau, l'obus

qui troue ma bouée

En mon égout,

se terrent les éboulis, les débris de verre

de mon être bombardé.

 

Clouee
Lorialee d'Orion
Lorialée d'Orion

 

Dans la paume pommadée de ma main,

déambule, sans préambule, ce matin

embrumé, une libellule,

encore embuée, elle ondule,

De l’aube au crépuscule,...

dans sa bulle, dans son royaume,

anonyme nomade, môme, animal gnôme

atone

elle titube, embaumée

De l’odeur des aubépines,

et la frêle libellule s’avine

de l’arôme des arums, assommée,

Elle somnole encore, enivrée

et s’élance autonome,

couronnée des atomes

environnants,

aureolee d’oriolidees,

chantonnant,

elle trône,

par-delà la faune, au-delà des chaumes,

Aulofée, O fée des eaux, Ailes de chrome

sonorités moirées

elle marmonne,

susurre et fredonne,

en symphonie avec l’onde des aulnes...

elle module, émue,

au gré des bromes,

le mouvement

de son chant,

le murmure mouvant de ses mots nus…

 

Attentat

 

Non sans fausse paterne,

l’apathique,

l’empâté psychopathe au nez épaté,

le psychopathe patibulaire,

parvient pourtant à épater l’apatride apeuré,

Le paon se pare de paroles, de patères

Roue de paroles pâteuses, entartrées

 

Mais pathétique, la bonne pâte

nonobstant se laisse appâter, pétrir

entre ses pattes putrides.

 

S’ébattre ou se battre?

Qu’importe, alors

plâtrée, elle ne peut plus se débattre

sous l’emprise de l’emplâtre

Empêtrée dans les pattes épaisses de l’escarpe

elle n’est plus qu’une pauvre patelle aplatie,

pénétrée, anéantie,

 

Note: Il me semble très clair qu’Oriane exprime là son impuissance et sa souffrance dans cette expérience du viol

elle n’a d’autres options que celle d’abattre ses cartes,

se coucher, cesser de combattre,

capituler, rompre les armes

sombrer en larmes

trompée, désarmée, désemparée

Impotente face au despote, au pâtre patenté,

la proie du troupeau pâtit, perplexe. Violâtre, châtrée

De battre son cœur s’est arrêté.

Attentat
Sur le trottoir

 

Sur le trottoir

cloîtrée, prostrée,

 

Trop tard

ton dard

déjà

pénètre entre les parois de mon ventre

au détroit de mes entrailles

entrebâillées

entre dans l’antre étroite de mon être,

 

au centre de mon poitrail,

au creux de mon ventre creusé

au cœur de ta proie, de ton spectre

tu plantes ton sceptre.

 

Note: Une autre poésie relatant le viol. Dans la version originale, Oriane finissait cette poésie avec le mot “crucifiée”.

Sur le trottoir
Noir
Noir

 

Noir

son regard

étroit

me glace et me refroidit

broie mes boyaux, les pétrit

grivois et grossier, pourtant adroit,

ton regard m’apprivoise

s’approprie mes doigts

étourdis

s’octroie le droit

de m’approvisionner

de m’emprisonner,

de m’empoisonner

de son venin poivré

je suis sa proie

froide

contrite d’effroi

je crois

voir en moi

le désespoir croire

le bourreau ouvre son goitre

et broie de ses crocs ma poitrine,

broyée au creux de l’entonnoir de ses doigts moites

 

Note: Cette poésie encore exprimant la violence du viol se fait plus spécifique tout en restant subtile. Il me semble qu’Oriane a tenté le jeu de mot car l’un de ses violeurs habitait à (ou près de) Troyes.

Aux aguets, aux abois

je crains, je crois, j’entrevois le cheval de Troie

trop tard

le dard

darde

en moi

bardée

bombardée

je chois.

Ambre

 

Béant sous la pluie,

parmi les luisants débris de verre,

J’erre, fébrile et sans abri

à travers les bris sciants de pierre

perles sur le sentier par la brise

Criblée, cible ensanglantée, je me terre

et serre contre moi les cent et une bribes

d’une patrie de sang que je crée à l’eau d'éther

que je perds sans cesse, propriété invisible,

indicible rêve d’essence berbère

éphémère, fragile, insensé, ce rêve se débride

et se libère de mon corps sanscrit, de mon emprise

crispée, j’imbibe obsédé les sens et les airs

des dernières pensées d’un asile, d’une terre de repli

je prie, je brigue, lancinée par les ulcères

et j'itère, obstinée, la naissance de l’embryon hybride

d’un lambris d’airain et d’encens, je crie la chimère,

désespérée, d’un univers pétri de prismes

les plus ambres.

 

 

Ambre
A mes soeurs
A mes soeurs...

 

Que trillent les cœurs,

face à cette fratrie de sœurs !

A bon entendeur : Tremblez rêveurs !

Le trio d’enfer*

envers et contre tout, a fait son entrée

la tripotée d’amour déjà s’affaire

à propager bonne humeur et gaieté

Partout et sans détour

esquivant les heurts

de la vie

elles s’approprient les heures

de bonheur transi,

Ici et là, là et ici

partout et sans détour

 

Trêve de peur, cris du cœur

Rires de candeur

Chœurs de roc

Tribu de choc

Toujours si proches

Ensemble

Elles prient et s’accrochent

Envers et contre tout

 

Tressées, tissées, liées comme un tricot au crochet

elles triomphent des douleurs, attachées, harnachées

leurs triples caboches unies contre les heurts du nocher,

rabibochent les rêveurs écorchés

avec la vie et son âpreté...

Ensemble

Elles filtrent les horreurs

trient douceurs et douleurs.


 

Note:

  • Cette poésie ne fait pas partie du cahier original des poésies mais Oriane avait rempli ce petit cahier de plus de dessins que de poésies et celle-ci parait sur sa page Facebook des petites poésies ainsi que dans un document intitulé “Les petites poésies” sauvegardé le 19 Janvier 2014, aussi ai-je pensé qu’elle trouvait bien sa place ici. Le dessin est simplement celui qui arrive après la page de la poésie Ambre dans le cahier.

  • *J’avoue que je ne connais que très peu de fratries aussi proches que la notre l'était. Ce n'était pas pour rien que nous étions surnommées les trois mousquetaires ou même les Dalton (malgré le compte incorrect étant donne que ce surnom nous fut donné avant la naissance de nos deux demi-frères). Je suis triste que le trio n’ait pas été assez fort pour vaincre la souffrance par laquelle Oriane passait.

Le souffle d'Eole
Le souffle d'Eole

 

Souffle, Eole

Que ton étole étoilée

Cajole d’or mon corps

Et mon cœur affolé

 

Souffle-moi Eole

Valse-moi, je suis ton tournesol

Enrobe-moi de tes crolles éthérées

A l’orée de l’aurore, ma corolle consolée

 

Souffle mes alvéoles

Que des cors de l’olifant

s’évaporent mordorées mes sons enfermés

Do ré mi fa sol...

 

Envole-moi Eole,

Que sous tes doigts ma peau gondole,

Que mes pieds frôlent la lune, sans avoir à fouler le sol,

Et décollons ensemble la colère colmatée dans nos poumons dolents,

 

Endormons-nous, Eole, Ensoleillons-nous,

je m’inclinerai, Eole, au gré de ton vent,

Je te promets,

Je t’épaulerai , t’orienterai vers le pôle

D’or

 

Tu seras Eole, je serai Orion et bleutés,

nous auréolerons le monde…

Note: De la même manière que la poésie en dédicace à Séverine et à moi ne faisait pas partie du cahier d’origine, cette poésie écrite plus tard (en Mars 2014) apparaît dans son classeur des Petites Poésies de Lorialée. Il m’a donc semblé approprié de l'insérer ici avec le dessin suivant dans le cahier.

Pour une explication sur l'origine du nom de Lorialée, rendez-vous à l'annexe de son petit conte moderne.

 

Liste des poésies:

© 2015 by Virginie Rolland.

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